Véritable « architecture-sculpture », cet ensemble de maisons-bulles situé à Raon-l’Etape, dans les Vosges, est l’une des réalisations les plus abouties de Pascal Häusermann, figure majeure de la création architecturale française dans les années 1970. Cette architecture avant-gardiste est protégée au titre des Monuments Historiques.
Monsieur Maurice Thierry est propriétaire du relais Lorraine-Alsace à Raon-l’Etape, lorsqu’il découvre le travail de Claude Haüsermann qui le séduit aussitôt. Il fait alors appel à lui pour créer une extension à son hôtel existant. C’est ainsi que naît le motel de l’Eau-Vive sur une île fluviale formée par les bras de la rivière La Plaine. L’ensemble est constitué de 11 bulles dont 9 cellules hôtelières, positionnées en arc de cercle comme pour suggérer un moment convivial dans un cadre verdoyant.
Après quelques nouveaux propriétaires et des années d’abandon, une équipe de cinq passionnés des années 60-70 s’attellent, au début des années 2000, à la restauration du lieu et redonnent vie à son ancrage historique en le décorant d’objets de designers comme Charles Eames ou Verner Panton.
Implantées dans un terrain paysager de 4 100 m², chacune de ces maisons s’intègrent avec délicatesse dans un environnement naturel de qualité. De jour comme de nuit, les espaces intérieurs et extérieurs offrent jeux de perspective, légèreté et poésie.
A l’intérieur, ces maisons-bulles déploient leurs formes organiques et sculpturales par des espaces aux formes variées. Ici pas d’angles droits mais des parois courbes et de nombreux coins et recoins. L’éclairage qui joue sur l’orientation, la taille et la forme des baies, accentuent la singularité de chaque pièce. La qualité des espaces s’allie à une décoration originale, dominée par le blanc et la couleur. Soignant les moindres détails (porte d’entrée, cheminée, etc.), Pascal Haüsermann a conçu une œuvre d’art totale, entre nature et architecture.
Les réalisations de Pascal Häusermann avec leurs formes organiques en béton projeté sont caractéristiques de l’ « architecture-sculpture », une tendance née après-guerre, rompant avec le Mouvement moderne qui plébiscite l’angle droit. De 1955 à 1975, Pascal Häusermann et ses homologues Antti Lovag, Jean-Louis Chanéac et Benjamin Maneval construisent des « maisons bulles » basées sur la modularité et la libre expression de l’individu.
Leur caractère évolutif et modulable, la possibilité d’adjoindre les cellules au gré du développement de la famille, offrent ainsi des similitudes avec un système biologique, effet conforté sur le plan esthétique par la structure sphérique des unités.
Des dizaines de ces bulles vont éclore en France : plusieurs maisons particulières, des restaurants, des hôtels, des écoles et même un théâtre.
Pascal Häusermann
Pionnier du renouvellement des formes de l’architecture et de l’urbanisme dans les années 1960, Pascal Häusermann (1936-2011) défendit pendant plus de cinquante ans la modularité en architecture et la libre expression de l’individu. En 1958, il est le premier à mettre au point pour la conception d’une maison la technique du béton projeté sur armature métallique, procédé qui deviendra le meilleur moyen d’expression de l’architecture-sculpture.
Partisan d’une plus grande implication des habitants dans la conception et l’élaboration de leur environnement construit, l’architecte construira au cours des années 1960-1970, en France et en Suisse, de nombreux bâtiments en voiles de béton: des maisons (Grilly, Minzier), un restaurant (Le Balcon de Belledonne avec Claude Häusermann-Costy), une polyclinique à Genève.
Pascal Häusermann a su inventer et expérimenter une architecture alternative, une nouvelle forme d’habitat.
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