Du 17 janvier au 8 mars, la Galerie Marian Goodman accueille la première exposition parisienne d’envergure dédiée à l’œuvre de Gerard & Kelly. Intitulée Bardo, l’exposition est imaginée comme une expérience temporelle et multisensorielle autour de l’hybridité. Elle présente une nouvelle série d’œuvres issues de la recherche du duo d’artistes sur l’histoire, l’architecture et la sexualité.
© Galerie Marian Goodman – Gerard & Kelly, E for Eileen, 2023
Dans le bouddhisme tibétain, le bardo désigne l’état transitoire entre la mort et la renaissance, durant lequel la conscience connaît de profondes mutations. L’exposition de Gerard & Kelly est une exploration de ce thème, autour de 3 figures historiques symboliquement ou ouvertement queer : Eileen Gray, Pesellino et Julius Eastman.
© Galerie Marian Goodman – Gerard & Kelly – photographie Rebecca Fanuele, Vue de l’exposition
La figure emblématique et insaisissable d’Eileen Gray (1978-1976), est mise à l’honneur dans une installation plastique et cinématographique. La galerie présente ingénieusement la lampe Pailla de façon à ce qu’elle guide le visiteur jusqu’au sous-sol, où est projeté E for Eileen (2023), fiction intégralement tournée dans la villa E-1027. Véritable ode à l’une des rares architectes femmes reconnues de la Modernité, le film met en scène deux amant.e.s d’Eileen Gray, l’architecte et critique Jean Badovici et la chanteuse de music-halls Damia ; l’occasion d’interroger la manière d’habiter et d’évoluer dans une architecture moderne. Pour appréhender cette projection, un module d’assise reprenant en négatif le solarium de la villa est disposé au centre de l’espace d’exposition. D’autres installations, “light-box”, conçues à partir des archives de l’architecte, jettent une nouvelle lumière sur l’œuvre de Gray.
© Galerie Marian Goodman – Gerard & Kelly, Glory Hole, 2025
Plus loin, c’est sur l’artiste florentin Francesco di Stefano di Pesellino (1422-1457) que le duo pose son regard. Peintre des Médicis, connu et reconnu de son vivant, avant de mourir prématurément de la peste, Pesellino retrouve ici la lumière. Dans Glory Hole (2025), inspiré par le Saint-François d’Assise recevant les stigmates de Pesellino, la tête du Saint devient boule à facette, référence iconique au disco et au monde de la nuit. En alliant ainsi le sacré et le profane, les artistes mettent en valeur une œuvre de tous les possibles comme lieu de développement du bardo.
© Galerie Marian Goodman – Gerard & Kelly, Glyphs VII, 2024
Le dernier chapitre met à l’honneur l’œuvre de Julius Eastman (1940-1990). Compositeur afro-américain, homosexuel, il est une figure active de la scène culturelle new-yorkaise des années 1970-80. A la cimaise, des fragments dorés de portées musicales, issues de ses créations, se combinent à des images sérigraphiées de danseurs des années 1980. Une forme de sacralité transparaît de ces compositions, qui convoquent l’art de l’enluminure des manuscrits médiévaux, tout en affirmant une dimension brute et plus prosaïque, par la présence de néons.
Gerard & Kelly
Exposés dans le monde entier, Gerard & Kelly, sont exposés dans les collections permanentes du musée Guggenheim de New-York, du LACMA de Los-Angeles, du FRAC Franche-Comté ou encore à Melbourne ; leurs œuvres et performances ont notamment pris place dans des biennales et expositions d’exception au Centre Pompidou, à la Fondation Maeght, au Getty Museum et au Palais de Tokyo. Le Carré d’art – Musée d’art contemporain de Nîmes, leur a consacré une exposition d’envergure en 2022.
Camille Buzon