Après Wang Shu distingué en 2012, Liu Jiakun est le second architecte Chinois à recevoir le Pritzker prize, la plus haute distinction du monde de l’architecture.
Le jury récompense son travail engagé en faveur d’une architecture durable et sociale, ancrée dans son territoire et les usages de sa population.
Liu Jiakun est un architecte chinois né en 1956 à Chengdu, dans la province du Sichuan. Après des études de littérature, il se tourne vers l’architecture et commence à exercer dans les années 1980 pour l’agence de l’Etat, où il applique les directives publiques en matière de programme et de style architectural. C’est lors d’une exposition en 1993 à Shanghai qu’il découvre les possibilités de création et d’innovation de la profession. Il crée sa propre agence d’architecture en 1999.
Il construit uniquement en Chine, où il signe en quarante ans de carrière, une trentaine de bâtiments dont plusieurs musées, des édifices de culte, des bureaux et logements ainsi que des réhabilitations d’anciens sites industriels et des projets d’urbanisme.
Le jury a souligné la spécificité de son approche, qui met en œuvre “le bon sens et la sagesse”, “une stratégie qui s’appuie sur les réalités du présent” et propose « une architecture affirmée qui célèbre la vie des citoyens ordinaires ». Son agence « défend fermement le pouvoir transcendant de l’architecture tout en comprenant qu’elle est un produit de la communauté, de la spiritualité, de la tradition et de l’existant” peut-on lire dans un communiqué.
Réemploi, adaptation et mémoire
Liu Jiakun développe une pratique architecturale exigeante qui prend en compte les contraintes matérielles locales et les élève en éléments constitutifs du projet. Il privilégie l’emploi de matériaux locaux afin de solliciter la main d’œuvre et de soutenir l’économie du lieu d’implantation du nouveau bâtiment. Pour son projet de musée de Shuijingfang réalisé en 2013, il utilise les gravats des bâtiments détruits lors du séisme de 2008 à Wenchun, les renforce avec de la paille et du ciment et crée les “Rebirth bricks”, employées ensuite pour la construction du musée mais aussi de l’immeuble Novartis à Shanghai en 2014 et du West village à Chengdu en 2015.
Après la catastrophe, Liu Jiakun conçoit également le mémorial de Hu Huishan, qui prend le contre-pied des approches monumentales souvent réservées aux édifices de commémoration. Il choisit de mobiliser l’écho universel porté par l’expérience individuelle et dessine une petite structure de béton inspirée par les tentes qui abritent les sinistrés après un séisme, dont l’intérieur peint en rose accueille les souvenirs de l’adolescente Hu Huishan, une des victimes du séisme.
La réhabilitation du Tianbao Cave District à Erlang
En 2020, Liu Jiankun livre un vaste projet de réhabilitation des plus grandes grottes naturelle de stockage de liqueur du monde, les grottes de Tianbao, Dibao et Renhe situées sous le pic Tianbao. Il conçoit plusieurs édifices mêlant le béton et la pierre locale pour remplacer les anciens bâtiments et dessine un pavillon-musée qui reprend les formes classiques de l’architecture chinoise mais utilise des techniques de construction contemporaine. Son travail sur les circulations permet aux visiteurs d’expérimenter l’essence spatiale du site, entre ombre et lumière, variations de hauteur et sinuosité.
Le West Village à Chengdu
Le projet urbain du West Village de Chengdu, livré en 2015, se compose de vastes édifices à la toiture végétalisée abritant logements, commerces et restaurants, qui encadrent un grand parc public central doté d’un stade de football. Un enchevêtrement de circulations permettant de se déplacer à pied ou à vélo. Une des façades de l’ensemble est constituée d’un réseau de passerelles aériennes et d’escaliers et permet de relier l’infrastructure à l’espace urbain. En décalage avec la ville chinoise contemporaine toute en verticalité, ce quartier horizontal, poumon vert en coeur de ville, puise dans la tradition et crée un lieu dédié à la rencontre et à l’esprit de communauté.
« L’architecture doit être un révélateur, c’est-à-dire être en mesure de capter puis exprimer l’essence d’un lieu et des personnes qui y habitent. Elle a aussi le pouvoir de façonner la vie des gens, de créer des atmosphères paisibles, de faire survenir la poésie dans notre quotidien et de susciter la sympathie et l’esprit de communauté. »
Liu Jiakun
Considéré comme un « Nobel de l’Architecture », le Pritzker, fondé en 1979, récompense tous les ans la carrière d’un architecte vivant dont « l’œuvre a apporté une contribution constante et significative à l’humanité et à l’environnement bâti par le biais de l’art de l’architecture. ».
Emilie Bloch