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Portrait d'architecteProvence & Côte d'AzurActualités

Maurice Sauzet, créateur de l’Architecture Naturelle

By 29 juillet 2025No Comments

Au cours de ses soixante années de carrière, Maurice Sauzet a développé une conception architecturale qui place la nature et l’expérience sensorielle au cœur du projet, en puisant dans la philosophie constructive et spatiale japonaise. Son agence a signé plusieurs centaines de maisons individuelles, en majorité dans le Sud de la France.

Aujourd’hui associé avec l’architecte Camille Carballar, “L’Espace Sauzet et Carballar Architectes” poursuit le développement du projet et la transmission de cette démarche, unique à l’échelle de la scène architecturale française.

Maurice Sauzet et Camille Carballar
© Espace Sauzet et Carballar Architectes

Une trajectoire exceptionnelle

Né en 1927 en Ardèche, Maurice Sauzet étudie à l’Ecole supérieure des beaux-arts de Paris, au sein de l’atelier de Charles Lemaresquier, puis à l’Ecole spéciale d’architecture de Paris d’où il sort diplômé en 1958. L’année suivante, il part pour le Japon pour accompagner son épouse Francine Luccioni, invitée à Kobe pour former des professeurs à la couture parisienne.

Une fois sur place, il intègre l’agence de l’architecte Junzo Sakakura, ancien élève de Le Corbusier. Il y découvre la manière japonaise d’appréhender et de concevoir l’espace, de le construire, et est chargé de son tout premier projet de maison pour le compte de l’industriel Miyamoto à Osaka (1960). En tant que seul Français de l’agence, il est amené à rencontrer de nombreux architectes occidentaux de passage, y compris Jean Prouvé et Françoise Choay, à qui il fait découvrir les temples de Nara et Kyoto.

Maison contemporaine, La Garde-Freinet, 2006
© Espace Sauzet et Carballar Architectes

A son retour en France au début des années 1960, Maurice Sauzet entame une collaboration avec les architectes Jean Parente et Claude Vilfour, ainsi qu’avec le constructeur Jean Prouvé avec qui il a gardé contact. Séduit par son approche innovante, il travaille pour le constructeur sur le chantier de la Villa Seynave à Beauvallon en 1963, en compagnie de Neil Hutchinson, Jean Parente et Claude Vilfour. En parallèle, ses premiers projets conçus sur le sol français s’inscrivent dans la filiation directe de la modernité architecturale. Il s’inspire notamment de principes mis au point par Jean Prouvé, comme le noyau porteur conçu pour le projet de la Maison des Jours meilleurs et mis en œuvre sur la Villa Seynave.

Ne trouvant pas entière satisfaction dans l’exercice de son métier d’architecte marqué par le contexte de la Reconstruction et de mutations profondes de la profession, il démissionne de l’Ordre des architectes en 1967 et se tourne vers l’urbanisme. Il fonde l’Atelier d’urbanisme varois et devient professeur à l’unité pédagogique d’architecture de Marseille-Luminy.

Maison contemporaine, Bormes-les-Mimosas, 2000
© Espace Sauzet et Carballar Architectes

Ce changement d’échelle et l’intégration de la réflexion environnementale dans sa globalité renouvellent sa perception du projet architectural. Il entame alors la conception de sa propre maison et envisage le chantier comme l’élaboration du prototype d’un nouveau genre d’architecture, qui vise à reconnecter l’humain à son environnement. Il se réinscrit à l’Ordre des architectes et devient architecte-conseil du Var. Après l’achèvement de sa maison en 1974, première réalisation d’architecture naturelle, il reprend la pratique de l’architecture en libéral et développe une philosophie constructive sur mesure.

Sa pratique trouve rapidement sa clientèle à l’échelle privée, avec plus de 300 projets d’habitat individuels réalisés depuis 1971.

Maison contemporaine, Le Rayol-Canadel, 2008
© Espace Sauzet et Carballar Architectes

L’architecture naturelle ou l’expérience sensorielle de l’espace

Maurice Sauzet questionne la conception rationnelle de l’architecture occidentale, issue des enseignements classiques et du mouvement moderne, pour y ajouter une dimension sensorielle et phénoménologique. Il théorise sa pensée autour de principes fondamentaux, qui placent les sens et la perception au cœur des enjeux et du processus de création de l’espace.

Cette approche constructive place le ressenti individuel au cœur du projet, envisagé comme un parcours où rien n’est laissé au hasard. L’itinéraire est semé d’éléments perturbateurs tels qu’une marche à enjamber, une légère pente ou un obstacle à contourner. Les baies cadrent les vues et guident le regard vers un morceau de paysage choisi, qu’il soit naturel ou composé. La limite entre extérieur et intérieur s’efface, au profit d’un espace intermédiaire abrité par un large débord de toiture et matérialisé par la prolongation des revêtements de sol au-delà de l’espace habité, jusqu’au jardin.

Sauzet propose une expérience du lieu où la relation de l’être humain à l’architecture se crée par la sollicitation continue de ses sens. Les différents éléments kinesthésiques, visuels, tactiles et olfactifs maintiennent la personne dans le présent immédiat, et font de l’expérience de l’espace une pratique presque méditative. Chaque ambiance, spécifique au projet, s’articule autour d’une recherche de bien-être et de sérénité visant à reconnecter l’homme au monde.

Maison contemporaine, Sanary sur mer, 2010
© Espace Sauzet et Carballar Architectes

Maison contemporaine, Sanary sur mer, 2010
© Espace Sauzet et Carballar Architectes

De Kobe à la Provence : entre spiritualité et cultures locales

Cette conception émotionnelle de l’espace habité est née lors de son séjour au Japon, durant lequel Maurice Sauzet est touché par l’architecture locale des temples, maisons de thé et habitations, où tout diffère de l’architecture occidentale classique. Inspiré par les modes de construction, les techniques, matériaux et surtout par la philosophie constructive nippone, Sauzet entame une “rupture radicale” dans sa conception de l’architecture.

Il s’écarte du principe de table rase moderne et des standards de la culture fonctionnaliste, et se tourne vers les traditions constructives ancestrales. Établi en Provence, il découvre dans le patrimoine vernaculaire du Sud de la France une manière de construire ancrée dans la sensibilité humaine. Les matériaux et formes de cette architecture lui permettent ainsi de tisser des liens avec celle de Kobe. C’est à cette époque qu’il abandonne la construction en série et l’efficacité appliquée à l’habitat pour développer une approche relationnelle et contextuelle, propre à chaque projet, à son site d’implantation et à son commanditaire.

Maison contemporaine, Le Rayol-Canadel, 2008
© Espace Sauzet et Carballar Architectes

Maison contemporaine, Giens, 2011
© Espace Sauzet et Carballar Architectes

Si la philosophie constructive de Maurice Sauzet et son concept d’Architecture Naturelle incarnent une voie spécifique et tout à fait singulière à l’échelle de la scène architecturale française, elle trace son sillon historique dans un rapport de contemporanéité à plusieurs courants critiques ayant contribué à entériner la fin du Mouvement Moderne, pour penser son dépassement. Dans le sillage des expériences internationales de Team X, intégrant les sciences humaines à la culture du projet au cours des années 1950-1960, et en écho aux principes du régionalisme critique qui émerge dans les années 1970, Maurice Sauzet fonde le sens et la légitimité du projet architectural sur l’affirmation d’une complexité nouvelle, étrangère à tous les régimes de simplification et de standardisation hérités du Style International.

Maurice Sauzet, Croquis d’étude dedans-dehors (haut) & contre-espace (bas)
© Espace Sauzet et Carballar Architectes

La philosophie à l’épreuve du projet

La conception d’une maison mettant en œuvre les principes de l’Architecture Naturelle débute par une étude rigoureuse des conditions d’implantation environnementale et climatique. Chaque projet, qu’il concerne une construction neuve ou une réhabilitation, est conçu à partir du “déjà-là” naturel ou construit. Tous les éléments qui composent le bâti sont dessinés de manière traditionnelle afin d’aboutir à un plan cohérent et fonctionnel, en accord avec le programme commandité. A partir de la végétation, des roches ou des murs existants, Maurice Sauzet trace des plans ouverts en éventail vers un panorama et de longues pentes de toiture recouvertes de tuiles chaleureuses, qui se fondent dans la végétation méditerranéenne.

Commence ensuite la seconde phase de création, où l’architecte mobilise sa subjectivité pour enrichir l’espace d’une dimension sensorielle. L’élément architectural dépasse sa simple fonction structurelle et incarne l’intention du concepteur. Plus qu’un simple élément porteur, le mur devient l’outil et le support de cette approche phénoménologique de l’espace : un dispositif permettant de dissimuler une vue, ou au contraire de guider la perception vers le paysage. L’habitation s’étire alors en un parcours séquentiel rythmé de pleins et de vides, d’ombre et de lumière, d’espaces et de contre-espaces.

Cette écriture poétique de l’espace incarne un art d’habiter ouvert à l’émotion, à la complexité et à la beauté du monde ; elle se donne à lire comme un éloge de la nuance, de l’expérience, de l’émerveillement.

Réhabilitation contemporaine d’une tour génoise, Tizzano, Corse, 2000
© Espace Sauzet et Carballar Architectes

Espace Sauzet et Carballar Architectes
534, Avenue J.Kennedy
83140 SIX-FOURS
T : 04 94 07 84 30
www.sauzet-architectes.fr

Emilie Bloch