14.12.22
Le Grand Prix national d’architecture, remis par le Ministère de la Culture, est la plus haute distinction française récompensant l’œuvre d’une architecte. En 2022, sept agences d’architecture étaient en lice : Atelier du Rouget Simon Teyssou & associés, Bruther architectes, Studio Odile Decq, Atelier Philippe Madec (APM) Architecture et associé, AAPP. Atelier d’Architecture Philippe Prost, Perraudin Architecture, Corinne Vezzoni et Associés SARL d’Architecture. Le jury s’est prononcé en faveur de Philippe Prost. L’architecte Renée Gailhoustet a, quant à elle, reçu le Prix d’honneur.
Remise du Grand prix national de l’architecture, le 13 octobre 2022 – © Ministère de la Culture / Mehrak Habibi
Philippe Prost, entre histoire et contemporanéité
Diplômé architecte D.P.L.G. à l’École d’architecture de Versailles en 1983, Philippe Prost obtient sont D.E.S.S. en Urbanisme à Université de Paris 8 en 1985, avant de fonder l’agence AAPP – Agence d’architecture Philippe Prost en 1993. D’abord associé à Catherine Seyler, il est rejoint par Gaël Lesterlin et Lucas Monsaingeon en 2019.
Philippe Prost est l’auteur de plusieurs projets d’ampleur : la réhabilitation de la Citadelle Vauban à en 2004 à Belle-île-en-mer ; « l’Anneau de la Mémoire » en 2014 à Albain-Saint-Nazaire, qui marque le centenaire la Grande Guerre ; le musée de la Monnaie de Paris en 2017 ; la restructuration de la Chambre de commerce et d’industrie de Lille en 2018 ; la réhabilitation de la cité des Électriciens à Bruay-la-Buissière en 2017. L’agence travaille actuellement sur le réaménagement des espaces publics du port Vauban, à Antibes, et sa réhabilitation, ainsi que sur l’extension du casino et théâtre d’Évian-les-Bains.
Croquis, Monnaie de Paris, projet MétaLmorphoses, 2017 – © Tous droits réservés – Atelier d’architecture Philippe Prost
Atelier central d’outillage et gravure, (ACOG) Monnaie de Paris, 2015 – © Tous droits réservés – Atelier d’architecture Philippe Prost
Outre ces projets et la tenue de conférences, Philippe Prost a publié plusieurs ouvrages portant sur l’architecture militaire et historique : Les fortifications du littoral : la Charente-Maritime en 1993, La ville en guerre en 1996 ou encore Vauban, le style de l’intelligence en 2007.
Philippe Prost a reçu plusieurs prix au cours de sa carrière, récompensant la qualité de son architecture et de ses écrits, comme le Prix du livre d’architecture décerné par l’Académie d’Architecture en 2008 ou le Prix d’honneur Vauban, récompensant son œuvre écrite et œuvre construite, en 2021. Le project « L’Anneau de la Mémoire » a reçu de nombreux prix, en France et à l’international (Prix de l’Equerre d’Argent pour la Culture, le Prix Duo at Work, tous deux en 2014, le Prix allemand Iconic Award Best of Best en 2015 et, en 2016, l’Excellence in Concrete Construction Award de l’American Concrete Institute et le R.I.B.A. International Award for Excellence). La cité des Électriciens est également un projet primé, avec le Geste d’or en 2017 et le Prix Gubbio en 2018.
L’agence AAPP – Agence d’architecture Philippe Prost a fait de la restauration et de la réhabilitation son domaine de prédilection, attachant une grande importance au patrimoine architectural et à l’histoire, dont le motto de l’architecte est « intéressé par le passé, passionné par le futur ». Si les échelles d’intervention sont différentes, que ce soit au niveau de « la pièce » ou de l’îlot, en passant par le bâtiment, Philippe Prost s’emploie à faire vivre la mémoire, sans pour autant délaisser la création. C’est également dans un soucis de conscience écologique que le jury a décerné le Prix à Philippe Prost, dont la pratique architecturale se caractérise par la réutilisation d’espaces existants.
Anneau de la mémoire, 2014 – © Tous droits réservés – Atelier d’architecture Philippe Prost
Renée Gailhoustet, une femme architecte à l’honneur
Après l’obtention d’une licence en Lettres, Renée Gailhoustet intègre, en 1952, l’atelier de Marcel Lods à l’École nationale supérieure des beaux-art. Alors diplômée en 1961, elle rejoint l’agence Roland Dubrulle en 1962, avant de fonder son propre atelier d’architecture en 1964. Avec Jean Renaudie, elle devient l’architecte en chef de d’Ivry-sur-Seine et travaille sur le nouveau plan de masse du centre-ville.
La pratique de Renée Gailhoustet se caractérise par la construction de logements sociaux qui, à l’époque, n’intéressait que très peu les architectes. Elle a notamment réalisé plusieurs bâtiments de logements collectifs à Ivry-sur-Seine : les tours Raspail et Lénine entre 1963 et 1968, l’ensemble Spinoza entre 1966 et 1973, l’ensemble du Liégat entre 1971 et 1986 ou encore l’ensemble Marat entre 1971 et 1986. À Aubervilliers, Renée Gailhoustet conçoit l’ensemble La Maladrerie entre 1975 et 1986, alors qu’à Villejuif, elle réalise un ensemble de 35 logements, place de la Fontaine, entre 1978 et 1981.
Façade ouest, Tour Raspail, 1966 – © FRAC Centre – Donation Renée Gailhoustet
Renée Gailhoustet verra son œuvre récompensée que récemment. En 2018 et 2019, elle reçoit respectivement la Médaille d’honneur de l’Académie d’architecture et le Grand prix des arts de Berlin, alors que la Royal Academy of Arts, au Royaume-Uni, la prime en mai 2022.
Si dans un premier temps son architecture suit les tendances de l’époque, avec des tours monolithiques imposantes, comme les tours Raspail et Lénine, elle va se tourner progressivement vers une architecture qui peut être qualifiée d’expérimentale, à tendance proliférante, mais gardant un trait brutaliste. Déjà dans l’ensemble Spinoza, bien que d’inspiration corbuséenne, avec un béton laissé brut de décoffrage et des rues intérieures, des éléments d’inspiration postmoderne se font remarquer : une bibliothèque à modules hexagonaux et un centre médico-psycho-pédagogique à modules triangulaires. C’est avec le projet de l’ensemble Le Liégat que la volonté de Renée Gailhoustet de se démarquer de l’architecture moderne des grands ensembles est plus franchement affirmée. On y retrouve une architecture à gradins et des modules circulaires permettant d’obtenir une grande diversité typologique d’appartements. Grandement influencée par Jean Renaudie, avec qui elle réalise plusieurs projets à Ivry, notamment l’opération Jeanne Hachette (1970-1975), Renée Gailhoustet s’attelle à réaliser des logements sociaux plus en adéquation avec les besoins des habitants et rompant avec la monotonie de l’architecture des banlieues.
Plan 3e étage bâtiment H, Le Liégat, 1978 – © FRAC Centre – Donation Renée Gailhoustet
Plan de l’école maternelle, La Maladrerie, 1975-1986 – © FRAC Centre – Donation Renée Gailhoustet
Davide Tarditi
Sources : Ministère de la Culture ; FRAC Centre ; prost-architectes.com ; leparisien.com