Lacaton & Vassal lauréats du Prix Pritzker 2021 – la French Touch au Panthéon de l’architecture !

Mardi 16 mars 2021, Anne Lacaton et Jean Philippe Vassal ont reçu le prestigieux Prix Pritzker. Une nouvelle consécration pour la culture et la création françaises.

Anne Lacaton & Jean-Philippe Vassal – © Joël Saget/AFP

Diplômés de l’Ecole nationale supérieure d’architecture et de paysagisme de Bordeaux en 1980, Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal créent leur agence à Bordeaux en 1987, où ils se font connaître en 1993 avec la désormais célèbre « Maison Latapie », puis déménagent à Paris en 2000 pour travailler sur le projet du Palais de Tokyo. Avant cela, Jean-Philippe Vassal a exercé au Niger pendant 5 ans en tant qu’architecte urbaniste ; il y a étudié notamment « l’économie de moyens », et Anne Vassal a travaillé au centre d’architecture Arc-en-Rêve.

Ils ont depuis signé de nombreuses réalisations d’ampleur, comme le pôle universitaire de Sciences de Gestion à Bordeaux, l’Ecole d’architecture de Nantes, le FRAC Nord-Pas-de-Calais à Dunkerque, la Tour Bois-le-Prêtre à Paris (avec Frédéric Druot et Christophe Hutin), ou la rénovation des bâtiments G, H et I du Grand Parc à Bordeaux.

Leur agence a été récompensée du Grand Prix national d’architecture en 2008 pour l’originalité de son travail. Le projet de la Tour Bois-le-Prêtre a reçu le Prix de l’Equerre d’Argent en 2011 et le Global Award for Sustainable Architecture à la Cité de l’architecture & du patrimoine en 2018.

Le travail d’Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal puise ses sources dans une recherche de longue date autour de l’habitat minimal, des moyens de production et des solutions constructives. Leur conception de l’architecture tire son inspiration de l’expérience de l’usager et des enjeux issus de sa vie quotidienne, pour proposer des espaces de vie, de travail et de loisirs généreux et versatiles. Leur approche de la construction est fondée sur une approche et une praxis éminemment sociales, plaçant l’architecture toujours au service de l’habitant.

Anne Lacaton : « On essaie de défendre cette idée que l’espace est aussi un facteur de qualité de vie, de paix sociale à l’intérieur des familles ou avec ses voisins ».

Leurs projets expriment une volonté de réhabilitation et d’amélioration des bâtis existants, et le refus catégorique d’un principe de « table rase » consistant à démolir l’ancien pour le remplacer par du neuf. Ceci, dans un souci d’économie et de conscience écologique, car le meilleur déchet est encore celui qu’on ne produit pas. Les deux architectes renversent ainsi la pratique du métier en créant et en alimentant une vision positive de ce qui existe déjà, et un pragmatisme du « faire avec » qui leur permet de « repousser les murs » et de tirer le meilleur de chaque structure. Ajouter, transformer et réutiliser sont les mots d’ordre de chacune de leurs réalisations.

Pour Jean-Philippe Vassal : « C’est tellement violent, tellement affreux d’habiter quelque part depuis dix ans et soudain de voir disparaître un logement dans lequel un ami, un voisin a existé, alors qu’on peut garder les gens, et à partir de l’existant, produire des logements que le standard est incapable de produire au même niveau de qualité – en dépensant deux fois moins d’argent. »

En 2007, ils publient l’ouvrage Plus avec Frédéric Druot, dans lequel ils défendent le principe de conservation et de réhabilitation des tours et des barres construites dans les années 1950-1970.

Le jury du Prix Pritzker a salué « Leur travail, qui répond aux urgences climatiques et écologiques de notre temps autant qu’à ses urgences sociales, en particulier dans le domaine du logement urbain, redonne de la vigueur aux espoirs et aux rêves modernistes d’amélioration de la vie du plus grand nombre », ainsi que leur « sens aigu de l’espace et des matériaux qui engendre une architecture aussi solide dans ses formes que dans ses convictions, aussi transparente dans son esthétique que dans son éthique ».

Fondé en 1979, le Pritzker est la récompense la plus prestigieuse du monde de l’architecture, équivalent au Prix Nobel. Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal sont les troisième et quatrième français à recevoir cette distinction, après Christian de Portzamparc en 1994 et Jean Nouvel en 2008.

Quelques réalisations emblématiques de leur travail, devenues des icônes contemporaines :

La maison Latapie, Floirac, 1993

La Maison Latapie (Floirac, 1991-1993) est constituée d’une charpente métallique économe qui crée un « volume à occuper dans une portion de territoire ». Le budget, modeste (70 000 €, à l’origine prévu pour un pavillon de 100 m2), a permis de bâtir un loft de 185 m2 doté d’une enveloppe translucide en polycarbonate qui prolonge l’espace intérieur vers le jardin.

L’Ecole d’architecture de Nantes, 2009

Pour l’Ecole d’architecture de Nantes, les architectes ont doublé la surface des espaces disponibles sans faire gonfler le budget, et ont élargi le champ d’usages de l’établissement tout en lui octroyant, par l’implémentation d’une terrasse panoramique et d’une rampe monumentale, une dimension d’ouverture à l’espace public et une relation plus étroite avec les éléments.

La transformation de la Tour Bois-le-Prêtre, Paris 17, 2011

© Philippe Ruault

La Tour Bois-le-Prêtre est un tour de logements HLM de 50 mètres de hauteur bâtie dans les années 1960. Elle abrite 96 appartements allant du 2 au 6 pièces. Druot, Lacaton et Vassal proposent une réhabilitation de l’ensemble, plutôt qu’une démolition (envisagée au départ). Leur projet propose d’agrandir les espaces de vie des logements existants par l’ajout de nouveaux planchers sur la périphérie de la tour, pour abriter des jardins d’hivers et des balcons filants qui créent un nouveau rapport à l’extérieur, à la lumière, au ciel et aux éléments, tout en impactant positivement la dépense énergétique.

Pendant toute la durée du chantier, les habitants sont restés dans la tour ; ils ont pu au final, soit conserver leur appartement, soit en occuper un autre.

Le Palais de Tokyo, Paris, 2014

© Philippe Ruault

Dix ans après sa réouverture en 2001, le Musée d’art moderne et contemporain, bâti en 1937 pour l’Exposition universelle de Paris, a gagné trois fois plus de surfaces (passées de 9 000 à 22 000 mètres carrés), et est devenu par la même occasion le plus grand site européen dédié à la création contemporaine.

Les architectes ont méthodiquement mis à nu la structure de béton brut, de métal et les verrières condamnées de l’édifice, afin d’en révéler et d’en célébrer la matérialité, la lumière et le potentiel plastique. Les volumes ainsi dégagés offrent une spatialité riche et poétique et une grande diversité d’usage des espaces laissés libres.

Le Fonds Régional d’Art Contemporain à Dunkerque, 2015

© Philippe Ruault

Le FRAC de la région Nord-Pas-de-Calais s’est établi sur le port de Dunkerque, dans l’ancienne halle à bateaux AP2, emblématique du site. Les architectes ont créé une réplique neuve de l’édifice, recouverte d’une peau légère bioclimatique, et l’ont accolée à la halle existante dans une volonté de conservation et d’affirmation de l’identité du lieu. Une structure intérieure préfabriquée offre des plateaux libres à la spatialité flexible et évolutive, en accord avec le programme.

La halle existante abrite un espace laissé entièrement libre, à même d’accueillir des événements en lien direct avec l’activité du FRAC ou des manifestations indépendantes.

Publication

Une monographie présentant leur travail a été publiée aux Editions Hyx dans le cadre de leur exposition à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine en 2009.

Editions HYX

Emilie Bloch

Sources : Collection Architecture, Catalogue du MNAM, 2016 ; Cité de l’architecture et du patrimoine ; amc-archi.com ; lacatonvassal.com

Réservez votre parcours

Architecture de Collection

* mentions obligatoires