Renée Gailhoustet, figure emblématique de la scène architecturale française, et l’une des rares femmes architectes de sa génération, s’est éteinte le 4 janvier 2023 dans son appartement d’Ivry-sur-Seine.
© Valérie Sadoun
Poésie douce du béton
Combative et engagée, Renée Gailhoustet s’est distinguée par ses opérations de logements sociaux – typologie qui n’intéressait à l’époque que très peu d’architectes. Ses réalisations d’ampleur intègrent alors logements, bureaux, commerces, équipements et espaces publics, en s’attachant à créer un nouveau cadre de vie sociale et collective. Son écriture architecturale affirmée, rompt avec l’héritage moderniste corbuséen des grands ensembles, de la barre ou de la tour de logements, et met en œuvre un agencement géométrique des formes, animé par une recherche de bien-être pour les usagers qui se matérialise par la générosité et la luminosité des volumes de vie, la multiplication des espaces extérieurs végétalisés collectifs et privatifs, dans une approche humaniste et écologique.
Renée Gailhoustet a livré plusieurs bâtiments de logements emblématiques à Ivry-sur-Seine : les tours Raspail et Lénine entre 1963 et 1968, l’ensemble Spinoza entre 1966 et 1973, l’ensemble du Liégat entre 1971 et 1986 ou encore l’ensemble Marat entre 1971 et 1986. À Aubervilliers, Renée Gailhoustet conçoit La Maladrerie entre 1975 et 1986, et réalise un ensemble de 35 logements à Villejuif, entre 1978 et 1981. Son agence ferme définitivement ses portes en 1999.
Le Liégat, Ivry-sur-Seine © Renée Gailhoustet architecte
Née à Oran en Algérie en 1929, Renée Gailhoustet étudie d’abord la philosophie, puis entre à l’Ecole nationale des Beaux-arts où elle suit les enseignements de l’atelier de Marcel Lods. Elle en sort diplômée en 1961 grâce à une étude portant sur les logements collectifs, et devient responsable du projet de rénovation du centre-ville d’Ivry à l’atelier de Roland Dubrulle l’année suivante. En 1964, elle fonde sa propre agence et est nommée Architecte en chef de l’opération d’Ivry en 1969, où elle collabore avec l’architecte Jean Renaudie.
En 2022, la tour Raspail à Ivry-sur-Seine, la première réalisation de sa carrière, a été inscrite au titre des monuments historiques, et le Liégat a reçu le Label Architecture Contemporaine Remarquable. Le quartier de la Maladrerie avait déjà été labellisé ACR en 2008.
Les archives de Renée Gailhoustet sont conservées, depuis 1999, par le FRAC Centre-Val de Loire à Orléans, qui développe une collection internationale dédiée à l’architecture expérimentale et utopique au 20e siècle.
Ces dernières années, l’oeuvre de Renée Gailhoustet a été consacrée à l’échelle française et au plan international : le jury du Grand Prix national de l’architecture 2022 a salué l’ensemble de sa carrière en lui attribuant le Grand Prix d’honneur en octobre dernier, l’Académie d’architecture lui a remis la médaille d’honneur en 2018, la Royal Academy of Arts lui a décerné son Prix d’architecture pour sa « contribution extraordinaire au logement social en France […] », et l’Académie de Berlin récompense son oeuvre du Grand prix des Arts en 2019.
Façade ouest, Tour Raspail, 1966 – © FRAC Centre – Donation Renée Gailhoustet
Plan 3e étage bâtiment H, Le Liégat, 1978 – © FRAC Centre – Donation Renée Gailhoustet
Plan de l’école maternelle, La Maladrerie, 1975-1986 – © FRAC Centre – Donation Renée Gailhoustet
Sources : Ministère de la Culture ; FRAC Centre ; AMC architecture ; Le Moniteur ; Radio France