Sir David Alan Chiepperfield CH succède à Diébédo Francis Kéré. Le Britannique de 69 ans a été nommé Lauréat du prix Pritzker ce mardi 7 mars 2023.
David Chipperfield – © Benjamin McMahon
Sur plus de quarante années de carrière, David Chipperfield s’est illustré comme un architecte très prolifique, avec plus d’une centaine d’œuvres à travers l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Nord. Considéré comme un architecte engagé, ses réalisations, quelle que soit leur typologie (bâtiments publics, culturels, résidentiels…), s’inscrivent toujours dans un respect de l’environnement naturel et urbain. Il puise dans un réseau de références riches et s’inspire des éléments préexistants, il tente de conserver un dialogue entre les lieux et leur histoire afin de créer un langage architectural adapté et respectueux du milieu dans lequel s’ancre son œuvre. Il repense l’aspect fonctionnel de ses nouveaux bâtiments et place l’accessibilité au premier plan. Par les matériaux utilisés, l’esthétique minimaliste et épurée qu’il confère à ses projets, Chipperfield répond par l’architecture aux urgences climatiques tout en prenant systématiquement en compte l’impact social du bâti sur la qualité de vie collective.
« Je considère ce prix comme un encouragement à continuer à porter mon attention non seulement sur la substance de l’architecture et sa signification, mais aussi sur la contribution que nous pouvons apporter en tant qu’architectes pour relever les défis existentiels du changement climatique et de l’inégalité sociétale. » affirme David Chipperfield à la suite de sa nomination. « Nous savons qu’en tant qu’architectes, nous pouvons jouer un rôle plus important et plus engagé dans la création d’un monde non seulement plus beau, mais aussi plus juste et plus durable. »
Le jury du Pritzker a salué le langage architectural du Lauréat qui « concilie cohérence avec les principes de conception fondamentaux et flexibilité vis-à-vis des cultures locales… L’œuvre de David Chipperfield unifie le classicisme européen, la nature complexe de la Grande-Bretagne, et même la délicatesse du Japon. C’est l’aboutissement de la diversité culturelle ».
Tom Pritzker, président de la Fondation Hyatt, qui parraine le prix, ajoute « Il est sûr de lui sans être prétentieux, évitant constamment les tendances pour confronter et maintenir les liens entre la tradition et l’innovation, au service de l’histoire et de l’humanité. ».
Diplômé de la Kingston School of Art puis de l’Architectural Association de Londres en 1977, David Chipperfield travaille chez les célèbres architectes Richard Rogers et Norman Foster avant d’ouvrir son cabinet, David Chipperfield Architects, en 1984 à Londres. L’agence possède aujourd’hui des bureaux à Milan, Berlin, Shanghai et Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne.
River and Rowing Museum – © Hisao Suzuki
La construction du River and Rowing Museum à Henley-on-Thame (Angleterre) en 1997 lui permet d’obtenir une reconnaissance internationale. Depuis, le travail de David Chipperfield a été largement récompensé. Il obtient en 1999 la Médaille Heinrich Tessenow (Allemagne) et devient membre d’honneur de l’Académie d’art et de design de Florence en 2003. En 2011, il gagne la médaille d’or royale RIBA et le Prix Mies van der Rohe (prix de l’Union européenne pour l’architecture contemporaine). Plus récemment, en 2021, il a reçu l’Ordre des compagnons d’honneur d’Angleterre.
Focus sur quelques-unes de ses réalisations :
Morland Mixité Capitale, Paris, 2015-2022
© Sébastien Véronèse
Conçu en collaboration avec le promoteur Emerige, Morland Mixité Capitale, renommée “La Félicité” lors de son inauguration, a vu le jour dans le cadre du programme “Réinventer Paris”. Voulu comme un “immeuble de quartier”, il propose une mixité de fonctions, de populations ainsi que d’animations. Il illustre le résultat d’une rénovation à grande échelle, entre extension, réhabilitation et remodelage des bâtiments préexistants. David Chipperfield porte une grande attention à la durabilité et à la continuité urbaine en préservant les éléments d’origine et le tissu urbain dans lequel Morland Mixité Capitale s’inscrit.
La démarche principale consiste à rendre le complexe accueillant, tout en adoptant une démarche écoresponsable. Cela a été permis grâce à la surélévation des volumes par rapport au sol, créant ainsi un nouvel axe de circulation, en plus de l’ajout d’arcades voûtées au rez-de-chaussée, invitant les passants à entrer tout en contrastant avec les colonnes austères d’origine. La faible consommation d’énergie et de ressources a été rendue possible par un cycle énergétique d’échange de chaleur et un système de phytoépuration permettant la récupération des eaux grises sur le toit.
Galerie James-Simon, Berlin, 2018
© Simon Menges
© Ken Wagner
Servant de bâtiment d’entrée de l’Île aux Musées, la Galerie James-Simon vient s’ajouter à un complexe classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1999.
David Chipperfield réutilise les éléments extérieurs des édifices présents sur l’île aux Musées, comme les colonnades ou les grands escaliers, rappelant ainsi les réalisations de Karl Friedrich Schinkel et des autres architectes ayant participé à la construction de l’île. L’utilisation de pierres naturelles en façade, notamment le calcaire et le grès, crée une harmonie d’ensemble et permet à la galerie de se fondre parfaitement aux bâtiments environnants.
Siège d’Amorepacific, Séoul, 2010-2017
© Noshee
Amorepacific, société coréenne de produits de beauté, a fait appel à David Chipperfield pour remodeler son siège dans le centre-ville de Séoul.
L’un des objectifs de cette création a été de présenter les ambitions sociales, culturelles et professionnelles de l’entreprise en mêlant lieu de travail, espaces d’activités et de loisirs (musée, auditorium, restaurant…). L’accès à la nature et à la végétation est rendu possible – même dans un tissu urbain dense – grâce aux jardins surélevés et au large atrium. David Chipperfield donne un aspect cohérent et aéré à sa façade tout en prenant en compte la question de la performance environnementale, par le biais du brise-soleil. Il laisse passer la lumière du soleil tout en fournissant de l’ombre, réduisant ainsi la charge thermique.
Considéré comme un « Nobel de l’Architecture », le Pritzker, fondé en 1979, récompense tous les ans la carrière d’un architecte vivant dont « l’œuvre a apporté une contribution constante et significative à l’humanité et à l’environnement bâti par le biais de l’art de l’architecture. ».
Pyrène Mary-Savi